La Chine a connu ses « 30 glorieuses », avec une croissance exceptionnellement forte et stable, mais de nombreux problèmes subsistent ou sont apparus dans ce pays-continent, et chacun d’entre eux peut peser lourd sur son avenir : ils sont à la dimension de l’Empire du Milieu et ne peuvent évidemment être résolus que par le pouvoir politique. Après le congrès de novembre 2012 et sa prise de fonctions en mars 2013, la nouvelle gouvernance pour les 10 prochaines années, avec le Président XI Jinping et son Premier Ministre LI Keqiang, représente à la fois un espoir et à une attente : pour poursuive sa marche en avant, la Chine se doit de trouver des solutions rapides et durables.
Comme le souligne Jean-Pierre Raffarin, un demi-siècle après Le Défi Américain de Jean-Jacques Servan-Schreiber, le monde est aujourd’hui confronté au « Défi Chinois » : le PIB de la Chine dépassera probablement celui des États-Unis entre 2020 et 2030. Cette nouvelle ère chinoise se traduira par une influence croissante de la Chine dans de nombreux secteurs, tout autant économiques que culturels. Il est nécessaire que les jeunes générations y soient préparées.
LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L’ÉCONOMIE CHINOISE
Le marché de masse automobile n’a démarré en Chine qu’en 2002, soit très récemment. En 2005, il devenait le troisième marché mondial, dès 2007 le second et le premier dès le début de 2010.
La Chine est aussi le premier marché mondial pour le ferro-viaire, avec plus de 100 000 km de voies ferrées, plus de 10 milliards de passagers, près de 1 000 milliards de passagers-km et de 3 milliards de t.km de fret… Si le réseau ferré chinois représente encore moins de la moitié de celui des États-Unis, la moitié du réseau à grande vitesse mondial est en Chine.
Le transport aérien n’est pas en reste, dans ce pays qui achète le plus d’avions civils dans le monde, avec des budgets colos-saux pour développer sur les 15 prochaines années l’avion C919 de la Comac, et rejoindre Airbus et Boeing.
De nombreux autres exemples pourraient être donnés : la télé-phonie avec les smartphones 4G de Huawei, les énergies re-nouvelables avec les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, ou encore les biotechnologies et le plan important dans le do-maine de l’environnement (recyclage des déchets, lutte contre la pollution de l’air et de l’eau…)
Quand la Chine se fixe des objectifs économiques, elle les at-teint généralement car les décisions politiques proviennent d’un pouvoir fort qui dispose de moyens financiers hors nor-mes pour les appliquer.
LES RESSOURCES NATURELLES
Ce développement s’appuie sur des atouts forts, comme les ter-res rares : la Chine dispose d’une très grande partie des res-sources mondiales de ces minéraux indispensables à de nombreuses technologies (nanotechnologies, semi-conducteurs, aimants, optiques, batteries, catalyse…). Ses ressources en charbon sont aussi considérables. Sur bien d’autres ressources naturelles, la Chine est moins bien dotée et doit aller chercher ailleurs ce qu’elle n’a pas, ce qui influe notablement sur ses politiques africaines et sud-américaines, la coopération lui permettant d’accéder au pétrole et aux produits miniers qui lui manquent.
LES TERRES CULTIVABLES
Si les terres rares sont abondantes en Chine, les terres arables sont rares ! Abritant près de 20 % de la population mondiale, elle ne dispose que de 8 % des terres cultivables. La Chine est ainsi dans l’obligation de cultiver à l’extérieur les terres qui lui manquent. Et plus les Chinois s’enrichissent, plus ils consomment et plus leurs habitudes alimentaires évoluent. Cela se traduit par un besoin croissant en produits alimentaires et une demande forte de diversification. Encore un nouveau défi !
LE POUVOIR D’INTERNET EN CHINE
Dans le village de Wukan (province de Canton), un conflit a opposé villageois et autorités chinoises. Sans entrer dans le dé-tail des causes, des événements ni de leur issue, nous retien-drons ces conclusions essentielles :
•La force d’Internet, qui est utilisée par plus d’un demi-milliard d’internautes chinois, peut amener le pouvoir à re-considérer une décision.
•On l’observe surtout lors de contestations d’ordre sociétal, comme le refus d’avoir des industries particulièrement pol-luantes dans les villes. Cette force peut à l’avenir revêtir d’autres formes.
LA POUSSÉE INFLATIONNISTE SUR LES REVENUS
Les réserves de main d’oeuvre qui pourraient encore être mobi-lisées dans les régions agricoles sont considérables, on assiste pourtant à une poussée sur les salaires de la classe ouvrière. Dans la province du Guangdong, fief de l’industrie « légère », les ouvriers se font plus rares et les revendications salariales s’accumulent. Deux raisons principales à nos yeux :
- Le retour au pays des migrants (appelés « Mingong ») du Sichuan suite au terrible tremblement de terre, qui sont res-tés sur place pour reconstruire leur province. Ce qui a coïn-cidé avec la politique gouvernementale visant à les « refixer » dans leur province.
- Puis la prise de conscience de salaires extraordinairement bas et de conditions de travail très peu acceptables, avec pour caisse de résonnance l’Internet chinois. D’où une obligation, sous peine de désordres, de relèvement rapide des salaires de l’ordre de 20 %, avec contagion vers les autres provinces chinoises.
Ces phénomènes ont dans un premier temps reçu l’encouragement informel des autorités chinoises, trouvant là matière à relancer la consommation intérieure, mais avec des dangers latents : une poussée inflationniste érodant progressi-vement la compétitivité chinoise dont les bas salaires ont fait le succès. On commence à assister de ce fait à des transferts d’entreprises : certaines étrangères rapatrient leurs usines, d’autres émigrent dans des pays voisins comme le Vietnam, d’autres enfin retrouvent leur personnel migrant au Sichuan en se déplaçant à l’ouest.
LA FRACTURE SOCIALE
Dans ce pays que l’on pourrait croire égalitaire du fait de sa doctrine politique, les différences sociales sont extrêmement importantes, selon les provinces, selon qu’on est riche ou pau-vre ou selon qu’on est paysan ou urbain.
Ainsi les migrants, même avec un permis de résidence dans leur lieu de travail, dépendent de leur lieu d’origine et ont un système social discriminatoire. Ils ne peuvent pas accéder aux mêmes services que les autres Chinois, leurs enfants être scola-risés, ni bénéficier des mêmes aides médicales. Malgré les ré-centes réformes déjà entreprises, le problème n’est pas encore résolu et demandera toute l’attention particulière des nouveaux dirigeants.
LES AUTRES DÉFIS À RELEVER
- La bulle immobilière : dans les villes principales, de nom-breux immeubles inoccupés servent uniquement à la spécu-lation immobilière. C’est un danger latent et important pour la Chine.
- Le niveau du Yuan : les pays occidentaux reprochent vi-vement à la Chine le faible niveau qu’elle impose à sa monnaie, facilitant ses ventes à l’export et pénalisant les importations sur le territoire chinois. La Chine de son côté, craint qu’une hausse brutale du yuan, si elle le laissait « flotter », réduise les marges de ses entreprises et favorise la montée du chômage. La Chine, sans rendre sa monnaie convertible, étend son champ d’application en favorisant entre États des opérations en yuans.
- Le défi environnemental : « l’usine du monde » n’a pas toujours su maîtriser son développement, notamment du point de vue écologique. La pollution de l’air dans les grandes villes devient une préoccupation majeure des habitants.
- Les assurances santé et les retraites : le XIIème plan pré-voit sur 9 ans une certaine uniformité des droits en matière de santé et de retraites, améliorant la condition des paysans et des travailleurs migrants.
- La sécurité alimentaire : ce problème est devenu majeur en Chine. Le premier scandale retentissant a été celui de mélamine dans des laits pour bébés. La traçabilité de la chaîne alimentaire en Chine est très loin d’être sécurisée, favorisant les produits étrangers, peu suspects.
- La lutte contre la corruption : maintes fois dénoncée, la corruption affecte encore le pays, discrédite les dirigeants politiques suspects de s’enrichir sur le dos du peuple. C’est une préoccupation majeure du nouveau Président XI Jinping qui a déjà pris une série de mesures pour s’y attaquer.
LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE
La Chine prend peu à peu la mesure de sa responsabilité inter-nationale, comme en témoignent ses interventions, son in-fluence grandissante au FMI ou au G8. Elle se dote de moyens militaires puissants, et ses récents différents avec le Japon et l’Inde peuvent interpeler. Mais dans son passé, la Chine n’a jamais été un pays belliqueux ou conquérant.
LE NATIONALISME RENAISSANT
La fierté de son pays est louable et le nationalisme, s’il n’est pas exacerbé, en est une conséquence naturelle. La Chine, qui s’est sentie « humiliée » dans les années 1830 par la colonisation occidentale, ressent un véritable désir de réhabilitation.
LES MODÈLES DE HONG-KONG ET DE SINGAPOUR
Une des qualités des dirigeants chinois a été, par pragmatisme, de ne « pas tuer Hong-Kong », cette « poule aux oeufs d’or », mais au contraire de s’en inspirer, notamment en faisant mon-ter en puissance Shanghai, mais aussi d’autres villes.
Alain Peyrefitte, peu avant sa mort, estimait : « il est illusoire de penser que la Chine deviendra un jour un pays démocratique. Pays ayant toujours connu des régimes forts avec les empereurs puis le Parti Communiste, on peut penser que la Chine suivra un modèle probablement proche de celui de Singapour, avec à sa tête un dirigeant autoritaire mais éclairé ».
Il est à douter que la Chine cherche à faire un copier/coller de nos démocraties occidentales. Tout laisse à penser qu’elle évoluera à son rythme vers un nouveau modèle, aménagé par rapport à l’actuel, mais reposant sur des racines profondément chinoises.
Pierre DHOMPS
Président-Directeur Général
ENERGIE 7 International