J’ai eu l’occasion d’intervenir le 17 novembre dernier lors d’un colloque organisé par la Commission d’Intelligence Économique du MEDEF Île-de-France qui portait sur une approche globale de l’Afrique par les PME. En fait, il s’agissait d’examiner la possibilité de développer un tripartisme équilibré France–Afrique–Chine pour le bien de toutes ses composantes, comme l’affirme avec force Ludovic Emanuely, qui préside l’Association « Croissance Peace ». Le thème qui m’était imparti était « La présence de la Chine en Afrique et l’évolution des échanges ». Cela m’a d’autant plus fait plaisir que j’ai passé une partie de ma jeunesse en Afrique (stage en entreprise et service comme coopérant) et que j’ai facilité, en tant que consultant français, un certain nombre d’affaires entre l’Afrique et la Chine, aussi bien dans le secteur du BTP que dans les domaines bancaire et industriel.
État des lieux de la présence chinoise en Afrique
Ancienne, puisque datant des années 50 pour soutenir alors des actions anticolonialistes, la présence chinoise a pris une tout autre trajectoire, économique cette fois-ci avec la grande conférence de Pékin de novembre 2006 réunissant 47 Chefs d’États et de Gouvernements africains, où un plan détaillé de coopération fut expliqué : doubler en 3 ans l’aide accordée, proposer des prêts préférentiels et des crédits acheteurs, créer un fonds de développement sino-africain, accorder un tarif zéro à un nombre croissant de produits africains et former un grand nombre d’Africains sur les techniques agricoles, médicales et scolaires.
À peine le plan annoncé, dès le mois de janvier suivant le Président Hu Jintao se rendait en Afrique noire francophone pour lancer les premières mesures et son Premier Ministre Wen Jiabao faisait de même avec les pays anglophones. Ce fut le départ d’un développement exponentiel où les échanges sont passés de 12 millions de dollars en 1950 à 7,3 milliards en 2000 et atteignent aujourd’hui quelque 200 milliards !
Dans ces échanges, les deux parties trouvent largement leur compte. L’Afrique est séduite par le modèle de croissance adopté par la Chine et par les contrats colossaux lui permettant de financer ses infrastructures (routes, chemins de fer, ports, électricité…). La Chine trouve en Afrique tout ce qui lui manque : hydrocarbures, minerais, autres sources naturelles, plus la possibilité de cultiver des terres pour importer les produits alimentaires qui lui font défaut (avec seulement 8 % de la superficie arable, la Chine doit nourrir près de 20 % de la population mondiale !), tout comme réaliser du commerce avec des produits peu chers compatibles avec le niveau de vie africain. Une politique globale « Win-Win » pour chacune des deux parties !
Mais les choses ne sont pas toujours simples pour la Chine, de plus en plus accusée d’avoir une attitude « colonialiste », avec une forte immigration qui crée une animosité et des sentiments xénophobes, et même souvent qualifiée « d’accapareurs de terres »… Dans ce contexte, la France, reconnue pour ses technologies de pointe, ses produits de luxe, la qualité de ses produits agroalimentaires, bénéficie d’une longue tradition commune avec certains pays africains avec lesquels elle partage la langue française et des similitudes comportementales.
Et, comme le prône « Croissance Peace », il apparaît souhaitable et nécessaire de cesser des compétitions frontales entre Chinois et Français pour remporter des marchés en Afrique, mais de pratiquer une politique intelligente avec une offre globale franco-chinoise à nos amis africains, nous-mêmes apportant de nouvelles technologies dont l’Afrique a manifestement soif et la Chine des financements. Mais bien d’autres modèles sont possibles comme le financement et la construction de bâtiments par des entreprises chinoises sur l’architecture d’une entreprise française.
Cela est déjà devenu réalité avec des exemples précis et semble-t-il foisonnants. C’est ainsi que Degrémont et Pont-à-Mousson travaillent avec des grandes entreprises chinoises adjudicatrices de projets, comme CMEC pour des stations de traitement de l’eau. D’autres, comme Alcatel Shanghai Bell, filiale installée en Chine, accèdent par ce biais à des crédits chinois. Que dire du rôle de CMA/CGM, grand transporteur maritime vers l’Afrique, et de celui de Bolloré, qui est dans cette région du monde le principal transitaire ? Que de perspectives à mettre en œuvre !
Les Chinois en prennent d’ailleurs de plus en plus conscience et deviennent donc demandeurs de ces accords tripartites avec une offre globale franco-chinoise, voire en association avec d’autres pays. Cela a également le grand mérite de permettre à la partie africaine de ne plus dépendre d’un seul État ni d’avoir l’impression de se retrouver en position inférieure – je n’ose dire colonisée… – mais au contraire de pouvoir échanger avec plusieurs intervenants étrangers au travers d’une offre globale, lui laissant ainsi toute flexibilité dans ses négociations. Autant d’intérêts tripartites en commun !
Pierre DHOMPS
Président-Directeur Général
ENERGIE 7 International